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Ultra-Endurance : Passion, Addiction et Quête de Sens

L’ultra-endurance est un monde à part, où les athlètes repoussent sans cesse leurs limites physiques et mentales. Si cette discipline attire par son intensité, elle peut aussi devenir bien plus qu’un simple sport : un besoin impérieux, un exutoire, et parfois, une addiction. Le passage de la passion saine à une relation compulsive avec l’effort extrême est un phénomène de plus en plus documenté en sociologie et en psychologie du sport.

Passion vs Addiction en Ultra
Photo : Julien Leite (Photographe) / Événement "Ride or Die" Beaubien x Saucony x Pyrène Performance

Quand la Passion Glisse vers l’Addiction en Ultra Endurance :

L'addiction au sport se manifeste souvent par un besoin compulsif d’en faire toujours plus, une escalade

de la performance où l’athlète ne tolère plus la stagnation. Ce processus est alimenté par un surmoi rigide, imposant un idéal du moi inatteignable, où chaque entraînement devient une nécessité absolue plutôt qu’un choix. Même lorsque le corps réclame du repos, le désir incontrôlable d’accumuler les kilomètres prend le dessus, au détriment de la santé physique et mentale.

L’athlète addict développe une tolérance à l’effort : il doit sans cesse augmenter la durée et l’intensité de ses séances pour retrouver la même sensation de satisfaction et d’accomplissement. Lorsque l’activité est interrompue, que ce soit par blessure ou contrainte externe, il peut ressentir les effets d’un sevrage, avec pour symptômes l’anxiété, l’irritabilité et/ou un sentiment de vide.

Le déni est un mécanisme de défense que l’on retrouve souvent dans cette situation. L’athlète ignore les signaux d’alerte de son corps et rationalise son comportement sous couvert de discipline et de passion. Cette non-reconnaissance des signaux corporels masque souvent un besoin plus profond : gérer le stress quotidien, fuir une angoisse latente, ou répondre aux injonctions d’une société glorifiant le dépassement de soi et la perfection.

La Blessure comme Point de Bascule

Pour certains athlètes, la blessure est une rupture brutale qui force une prise de conscience. Cet arrêt imposé génère un vide dans la vie du sujet, ce qui met en lumière l’importance excessive que l’ultra-endurance avait prise dans cette dernière. C’est dans ce moment de creux que peuvent émerger des questionnements profonds : la nécessité de courir est-elle un désir authentique ou la manifestation inconsciente d’une compulsion ? Ce besoin irrépressible de performer à combler un vide narcissique ou à apaiser une angoisse inconsciente ?

Cette pause contrainte devient une opportunité de réévaluer la relation entretenue avec le sport et d’opérer un réajustement vers une pratique plus équilibrée.

Passion Harmonieuse vs. Passion Obsessionnelle

Vallerand a développé le modèle dualiste de la passion qui distingue deux formes d’investissement dans le sport : la passion harmonieuse et la passion obsessionnelle. L’athlète doté d’une passion harmonieuse trouve dans l’ultra-endurance une source d’épanouissement qui ne dicte pas toute son existence. Il sait s’accorder du repos sans culpabilité et accepte que certaines périodes de vie nécessitent une diminution de l’entraînement. Pour lui, l’effort est un moyen de vivre des expériences transcendantes et non une fin en soi. Même après une course intense, il peut ressentir un vide, une baisse d’adrénaline, mais ce sentiment reste temporaire et ne se transforme pas en une nécessité compulsive. Il ne cherche pas à combler immédiatement ce manque par une nouvelle compétition ou un entraînement excessif.


En revanche, l’athlète animé par une passion obsessionnelle ne peut concevoir l’arrêt. Chaque performance est une validation de son identité et son bien-être dépend de sa capacité à repousser toujours plus loin ses limites. Il s’inscrit frénétiquement à des courses pour éviter la sensation de vide et maintient une cadence effrénée par peur de voir son niveau décliner.

La Pression des Réseaux Sociaux : Un Facteur Aggravant

Les plateformes comme Strava ont ajouté une nouvelle dimension à l’obsession sportive. Chaque performance devient un objet de validation sociale, scruté, commenté et comparé. L’athlète ne court plus seulement pour lui-même, mais aussi pour maintenir une image auprès de sa communauté. Cette quête de reconnaissance accentue la nécessité de performer en permanence. Le sport cesse d’être une aventure intérieure pour devenir une vitrine extérieure où l’échec ou le repos sont perçus comme des faiblesses.

Les Conséquences de l’Addiction à l’Ultra-Endurance

L’addiction au sport d'endurance intensif n’est pas sans conséquences :

● Physiques : blessures chroniques, fatigue excessive, burnout athlétique.

● Psychologiques : anxiété, humeur instable, dépendance émotionnelle à l’effort.

● Sociales : isolement, tensions avec les proches, perte d’intérêt pour d’autres aspects de la vie.


Le sevrage, lorsqu’un arrêt est nécessaire, peut s’accompagner de symptômes similaires à ceux observés dans d’autres formes d’addiction : irritabilité, état dépressif, difficulté à trouver du sens en dehors du sport.

La Quête du Bonheur : Une Relation Ambivalente

Des études soulèvent également une question cruciale : les athlètes d’ultra-endurance sont-ils plus heureux grâce à leur engagement ? (https://www.mdpi.com/2075-4663/12/6/149)

L’ultra-endurance procure-t-elle un bonheur durable ? Les études sur le bien-être des athlètes montrent des résultats contrastés. Si la passion harmonieuse est associée à un épanouissement personnel, la passion obsessionnelle tend à générer stress et insatisfaction. Un chiffre marquant : 20 % des ultra-marathoniens présentent des signes d’addiction à l’exercice, contre seulement 0,5 % dans la population générale. Cette statistique illustre la frontière ténue entre investissement sain et dérive addictive.

Trouver un Équilibre : La Voie de la Modération

L’ultra-endurance peut être une source d’accomplissement profond, à condition qu’elle s’inscrive dans un équilibre de vie. Comme l’évoquait Aristote, la sagesse réside dans la modération des passions. Un athlète averti sait écouter son corps, préserver ses relations et diversifier ses sources de bien-être. En conclusion, l’ultra-endurance est une quête fascinante, mais elle ne doit pas devenir un exutoire destructeur. Trouver un équilibre entre engagement et lâcher-prise est le véritable défi pour tout athlète souhaitant faire de sa passion un levier d’épanouissement durable.


Bibliographie

Anzieu, D. (1985). Le Moi-peau. Dunod.

Freud, S. (1920g). Au-delà du principe de plaisir. In Œuvres complètes XV : 1916-1920 (pp. 273-338).

Paris : Puf, 1996.

Freud, S. (1930). Le malaise dans la civilisation. Presses Universitaires de France. (Œuvre originale

publiée en allemand en 1930)

Vallerand, R. J. (2015). The psychology of passion: A dualistic model. Oxford University Press.

Vallerand R.J., Deci E.L., Ryan R.M. Validation of the Revised Sport Motivation Scale (SMS-II) Psychol.

Sport Exerc. 2013

Winnicott, D.W. 1975. Jeu et réalité, Paris, Gallimard. Writer : Anaïs Chalmel

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